LA TOUR EIFFEL EST UN THERMOMETRE GEANT

 

________

 

 

Le monde entier était inquiet. L’humanité était angoissée.

Même les centaines de millions d’êtres humains que la prochaine décapitation de la tour Eiffel avait tout d’abord amusés.

 

Chacun savait que ce monument français était un facteur d’équilibre planétaire. Un thermomètre géant qui indiquait si le genre humain était bien portant ou malade.

 

 

La tour Eiffel était une sorte de séismographe humanitaire, un séismographe civilisationnel.

 

On ne l’avait pas planté sur la pente d’un volcan, bien sûr, sur le Vésuve ou l’Etna.

 

Nos experts l’avaient installé dans la ville la plus touristique, la plus attractive, la plus fantasmée de la Terre.

 

Là où bouillonnait, non pas de lave venue du cœur de la planète, mais les ambitions, les secrets et les espoirs venus du cœur des hommes.

 

 

 

Quand la tour Eiffel était à sa place, debout, le coup bien droit, dressée vers le ciel, à côté de la Seine, le monde n’avait rien à craindre.

 

Il était en paix.

 

 

Quand la tour Eiffel perçait l’horizon, à Paris, cela voulait dire que la planète n’avait pas changé.

Elle était en ordre. Il ne lui était rien arrivé de grave.

 

 

Voilà ce qui ressortait des films à grand spectacle, des grosses productions hollywoodiennes, des téléfilms et des séries télévisées.

Lorsqu’une catastrophe s’abattait sur l’humanité, la tour Eiffel était toujours l’une des premières victimes.

 

 

Parmi ces victimes de choix, ces victimes prioritaires des scénaristes et des metteurs en scène, on pouvait trouver Big Ben, la Tower Bridge, le Colisée, la basilique Saint-Pierre, le Corcovado de Rio de Janeiro.

 

Mais la tour Eiffel était la plus importante.

Sans la tour Eiffel, il n’y avait plus de Terre.

 

 

Les extraterrestres le savaient et se jetaient toujours sur le monument parisien, avec leurs vaisseaux, dès le début de l’invasion.

 

 

Oui, notre tour Eiffel était la plus importante. Elle était le symbole de la civilisation occidentale dont l’hégémonie était totale depuis des siècles.

Et elle veillait sur le monde.

 

C’est elle qui devait nous avertir si une étoile massive, qui avait explosé à l’autre bout de la galaxie, et qui allait se transformer en trou noir, nous envoyait une vague d’énergie destructrice. C’était encore elle qui devait nous signaler qu’un super-volcan venait de se réveiller ou qu’un astéroïde de plusieurs kilomètres de longueur venait d’entrer dans notre atmosphère.

Nous comptions tous sur la tour Eiffel. Tous les êtres humains comptaient sur la tour Eiffel. 

 

 

 

Et si une invasion extraterrestre se produisait, dans les rues de San Francisco ou sur le sable des plages de Malibu, la première réaction des Marines américains serait de demander, en pleine bataille rangée avec les petits hommes verts :

–  Sergent, sergent ! La tour Eiffel, elle est toujours debout ?

 

 

À peu près au même moment, dans le QG de Washington, tandis que les soucoupes volantes stationneraient au-dessus de la Maison-Blanche, un général s’adresserait au président en ces termes :

–  Quelles sont les priorités, Monsieur ? Faut-il concentrer tous nos porte-avions sur l’Atlantique ? Devons-nous nous préparer à une attaque nucléaire ? Ou devons-nous envisager de négocier un cessez-le-feu ?

 

Le dirigeant le plus puissant de l’humanité secouerait la tête et répondrait :

–  J’ai appris qu’un pied de la tour Eiffel est abîmé. Il faut le réparer d’urgence !

 

 

_____

 

 

Livre 25 sur 82

de la Bibliothèque secrète