LE FACTEUR DE L’ORAGE

Il sillonnait la campagne.

Et seulement la nuit.

On l’entendait venir dans les chemins boueux, à travers les plaintes de l’orage, car sa petite sonnette l’annonçait de fort loin.

Certains prétendaient l’avoir vu, entre deux éclairs, sur sa vieille bicyclette. On disait qu’il portait une grande capote bleue qui lui descendait jusqu’aux genoux. Et une casquette usée, bien enfoncée sur la tête.

Personne, pourtant, n’avait pu voir distinctement son visage. Ce facteur légendaire était pour tout le monde un très grand personnage.

Mais on ne savait en fait qu’une seule chose de lui : c’est qu’il portait des lettres anormales.

Oui, anormales. Et la nuit.

Car tous ceux qui les avaient reçues avaient disparu.

Dès le lendemain.

Seul indice probant de son passage : les traces des pneus de sa bicyclette (un très vieux modèle, selon les enquêteurs) dans la terre humide du voisinage.

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Dans cette histoire, les habitants de la région avaient compris que ce facteur de l’orage pouvait leur rendre d’éminents services.

Il pouvait les débarrasser de tous les citoyens indésirables, de tous les marginaux qui leur créaient des problèmes.

Ainsi, lorsque quelqu’un dépasserait les bornes, et serait susceptible de menacer l’équilibre social des quelques localités concernées, on appellerait le facteur au fond des bois ou sur les petites routes et on lui demanderait d’intervenir d’urgence.

« Facteur, facteur !... Nous avons besoin de toi. Nous avons quelqu’un pour toi ! »

Voilà ce qu’on crierait, le soir venu.

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Livre 75 sur 76 

de la Bibliothèque secrète